Manuel typographique de Fournier, tome I, 1764
chap. XIV, p. 90-108.

Chapitre
XIII 
Chapitre
 XV
Premier folio
90
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XIV — Précis de la fonte des caractères


#Précis de la fonte des caractères

Les caractères de l'imprimerie sont faits avec un métal composé qui ne sert pas à d'autre usage : on le fait fondre dans une cuillère de fer fondu, de sept à huit pouces de diamètre, avec des séparations qui la partagent perpendiculairement en deux, mais plus souvent en #trois parties égales, non seulement pour pouvoir fondre à la fois du métal de différents degrés de force, mais aussi pour placer alentours autant d'ouvriers qu'il y a de séparations dans la cuillère. Elle est posée sur un fourneau de terre à potier, fait exprès, qui reçoit dans son antre un feu de bois pelard, ainsi nommé parce qu'il est pelé et sans écorce : on augmente ou diminue ce feu en proportion du degré de chaleur que l'on veut donner au métal.

Il y a ordinairement autour de chaque fourneau trois ouvriers qui travaillent debout ; chacun a devant soi un banc en forme de petite table oblongue d'environ trois pieds de long sur un de large, pour recevoir les lettres à mesure qu'il les fait.

Lorsque le métal est fluide, et que les essais sont faits au moule et à la matrice, pour que la lettre qu'on va fondre se trouve d'approche et de ligne, l'ouvrier prend de la main gauche le moule garni de la matrice, et de la droite une petite cuillère de fer qui ne tient de métal que ce qu'il en faut pour la sorte de lettre qu'il veut fondre; il présente cette cuillère, pleine de métal fondu, à l'orifice du # moule ; puis il retire un peu la main gauche, et la relève brusquement, pour faire parvenir précipitamment le métal jusqu'au fond de la matrice, afin qu'il y reçoive la figure. Sans ce mouvement précipité, le métal ne prendrait pas, ou prendrait mal cette figure, parce qu'il se fige aussitôt qu'il touche le fer et qu'il passe par une ouverture de deux tiers plus petite que le corps qu'il doit remplir. Après que la lettre soit formée, on appuie le pouce de la main droite sur l'extrémité supérieure de la matrice : ce mouvement lui fait faire la bascule, et la détache de la lettre qui était dedans ; puis on ouvre le moule, et on fait tomber la lettre sur le banc avec les crochets : le moule est refermé sur le champ on remet l'archet sur le talon de la matrice, et on réitère l'opération jusqu'à deux et trois mille fois par jour.

Cela ne se fait pas néanmoins sans interruption : l'ouvrier est obligé de voir de temps en temps si les lettres se forment bien, afin de ne pas faire de l'ouvrage inutile ; car il n'arrive que trop souvent que certaines lettres prennent difficilement leur figure, ce qu'on #appelle mal venir ; on dit bien venir, lorsque le contraire arrive.

Pour réussir le mieux dans la fonte des différentes lettres, l'ouvrier est obligé d'essayer non seulement les différents degrés de chaleur du métal, mais divers mouvements pour le jeter plus ou moins précipitamment et par les différents angles de l'orifice du jet ; de là on dit, jeter en moule, droit, par le coin de dessus, par le coin de dessous, entre les deux crochets, ce qui se fait en présentant le moule par ses différentes faces, et enfin en le retournant de façon que la pièce de dessous se trouve dessus, ce qui ne doit se faire que lorsqu'on a essayé inutilement tous les autres moyens, parce que cette dernière manière de jeter en moule entraîne de la longueur et des inconvénients.

Il y a certains objets à fondre, comme de grandes lettres, de grands ornements, etc. qui résistent à tous ces moyens, et qui ne se forment pas : on a recours alors à un autre expédient ; on prend de la pierre-ponce, que l'on pulvérise aussi fin que de la farine ; on met cette poudre dans un linge double, dont on lie les bords pour en faire un peloton : en secouant# cet espèce de sachet sur la matrice, il en sort une poussière blanchâtre qui tapisse un peu le fond, et qui fait que le métal parcourt plus facilement les traits et s'y forme mieux. Il faut cependant n'employer cet expédient que le plus rarement possible, parce qu'il use les matrices et que l'œil de la lettre en est moins vif.

L'ouvrier ayant fondu à peu près le nombre qui lui est marqué par la police, il visite les lettres, ce qui se fait en les regardant les unes après les autres pour jeter celles qui sont imparfaites ; et lorsqu'il a rempli le nombre qui lui est demandé, il commence une autre sorte ou lettre, c'est-à-dire qu'il ôte la matrice du moule pour en mettre une autre à la place, ce qu'il réitère depuis la première lettre de la frappe jusqu'à la dernière. Mais comme il faut que toutes ces différentes lettres se trouvent exactement en ligne, d'approche et de hauteur en papier à la sortie du moule, on examine la première lettre de chaque sorte que l'on veut fondre, relativement à ces objets : pour cela, on fait la même chose que pour la justification des matrices, dont je viens de parler ; on commence# la fonte par la lettre m ; quand elle est bien, elle sert de modèle pour les autres. On en met trois dans la justification, entre lesquelles on passe la première lettre de chaque sorte que l'on commence, pour la mettre d'accord avec ces m ; on en vient à bout par le moyen du moule et de la matrice. Lorsque celle-ci ne présente pas une suffisante épaisseur de cuivre, elle rend la lettre trop près ; on la grossit du côté qui est nécessaire, en poussant en dedans, autant qu'il le faut, le registre du moule qui touche à ce côté. Si au contraire il y a trop d'épaisseur, la lettre devient trop grosse, c'est-à-dire qu'elle s'écarte trop entre les m ; on l'approche, en repoussant le regître en dehors. L'alignement se met, comme je l'ai dit, par le pied de la matrice, dont on ôte un peu de cuivre, si la lettre descend ; au contraire, on le refoule si la lettre monte : on en juge par le jeton, que l'on pose à plat sur les m et sur les lettres qui sont entre elles. Tous les traits, soit par en bas, soit par en haut, doivent suivre la ligne du jeton : lorsque la lettre est trop basse en papier, on a recours au poinçon, si on l'a, pour l'enfoncer un peu #dans la matrice ; quand on ne l'a pas point, on refoule un peu le cuivre de la matrice sur la face où est l'œil, ce qui produit une petite excroissance de métal sur le bout de la tige de la lettre à côté de l'œil : la propreté du travail en souffre un peu, mais il n'y a pas d'autre remède ; on en est quitte pour enlever à chaque lettre, avec un petit couteau, la petite bavure de métal qui s'est glissée dans les interstices, ce qui s'appelle émonder.

L'ouvrier ayant employer toutes les matrices d'une frappe avec les précautions que nous venons d'expliquer, la fonte est faite. Elle retient le nom du moule qui a été employé à fondre, parce que c'est lui qui donne l'épaissseur du corps, qui est la partie dont le caractère tire son nom; ainsi on dit une fonte de Cicéro, une fonte de Petit-romain, etc. lorsqu'on a employé un moule de Cicéro ou de Petit-romain. Ces fontes sont plus ou moins considérables pour le nombre des lettres et pour le poids, à proportion du besoin qu'en a celui qui la fait faire.

Les lettres étant fondues, on en sépare le jet d'avec le corps, ce qui s'appelle rompre. On a# vu ci-devant que le jet, qui est large par en haut, va toujours en diminuant, et qu'il n'est adhérent à la lettre que d'un tiers de son épaisseur, ce qui forme au pied de cette lettre un étranglement où le jet se rompt. Cette opération faite, on prend de nouveau toutes les lettres pour les frotter sur une pierre de grès de 15 à 20 pouces de diamètre, et dressée sur les deux faces plates, où il reste un petit grain qui fait l'effet de la lime. On frotte sur cette pierre les lettres, des deux côtés par lesquels elles se joignent pour composer des mots, en observant qu'elles soient d'égale épaisseur dans toute l'étendue de la tige : pour s'en assurer, on en arrange une centaine, à côté les unes des autres, sur un morceau de bois nommé composteur, qui a des rebords propres à les recevoir. Si ces lettres chassent plus du côté de l'œil, ce qu'on appelle aller en tête, c'est une marque qu'il y a un peu plus d'épaisseur de ce côté ; on appuie donc davantage sur ce bout de la lettre en la frottant, afin que la pierre use un peu plus cette partie : si c'est, au contraire, l'autre bout qui avance davantage, ce que l'on appelle aller en pied, on frotte #davantage cette partie, de façon que les lettres se trouvent égales de pied en tête, avec cette différence seulement que la tête doit avoir une apparence de force de plus, afin que les lettres s'approchent mieux du côté de l'œil, et que l'on puisse les enlever plus facilement de la forme, lorsque l'on veut corriger les fautes qui se trouvent dans les épreuves.

Avant de donner cette façon aux lettres, il y en a une autre accidentelle, que l'on nomme émonder. Elle consiste à enlever, avec un petit couteau à lame de canif, des parties superflues de métal, qui viennent de ce que les matrices étant usées ou arrondies, le métal fondu a rempli les interstices ; il faut les ôter avant que de frotter. Une autre façon qui se fait avec le même couteau, mais qui est indispensable, est celle que l'on appelle crénerie : elle consiste à évider les petits traits saillants, qui excèdent les tiges sur lesquelles les lettres sont portées. Ces lettres sont, pour le caractère romain, les  : les têtes de ces quatre lettres sont isolées et ne tiennent que par l'adhérence qu'elles ont avec le reste de la lettre; or créner c'est évider ces têtes en dessous, #de façon qu'elles puissent anticiper sur la lettre qui les avoisine. Cette petite tête étant crénée, on passe le taillant du couteau le long du corps, du même côté, pour tenir lieu de la frotterie, ce qui s'appelle ratisser. Dans les caractères italiques, il y a beaucoup de lettres crénées, à cause de la pente qui renvoie les lettres à droite et à gauche du corps ; ce qui fait que presque toutes les lettres que l'on nome pleines, parce qu'elles tiennent tout le corps, sont crénées de deux côtés, comme dans cet exemple , où les têtes et les queues des et autres de cette nature, débordent les lettres voisines par le haut et par le bas. Il y a aussi des longues, et même des courtes, qui ont besoin quelquefois d'être crénées; en voici quelques exemples : mdm, mpm, mrm, mtm. Ces d, p, r, t, et autres, ont des parties qui anticipent sur les autres lettres à droite ou à gauche, et ce sont ces parties saillantes que l'on créne. Les r les t, et autres de cette espèce, n'ont pas toujours besoin d'être crénées ; cela dépend de la petitesse de ces lettres ou de la façon dont elles ont été gravées.

#La composition est une autre façon qui suit celle-ci. Composer c'est arranger toutes les lettres les unes à côté des autres, toujours dans le même sens, sur les composteurs, qui, comme je l'ai dit, sont des bandes de bois avec un petit rebord dans la longueur de vingt pouces environ sur dix à douze lignes de large. Ces composteurs peuvent contenir depuis une vingtaine de lettres jusqu'à six ou sept cents, en proportion de leur grosseur ou de leur petitesse.

Ces lettres ainsi composées sont portées aucoupoir, pour y recevoir d'autres façons. Le coupoir est un assemblage de plusieurs pièces mobiles qui renferment deux ou trois cents lettres à la fois, et qui le serrent fortement les unes contre les autres dans une pièce que l'on nomme justifieur, de façon qu'elles puissent soutenir l'effort d'un rabot qui coupe dans toute la longueur les parties inutiles. Voici le détail de cette opération.

L'ouvrier tient de la main gauche un composteur garni de lettres qu'il fait tomber à la fois, d'un seul mouvement, du côté de l'œil sur la pièce d'en dessous du justifieur, qu'il tient #de la main droite ; puis prenant cette pièce de la gauche, il arrange les lettres de façon qu'elles soient droites et perpendiculaires ; ensuite il les couvre de la seconde pièce qui les emboîte ; il présente le tout sur le coupoir entre deux parois, dont l'une, qui est mobile, est rapprochée sur l'autre par une grosse vis, dite vis de corps, et il serre ainsi entre deux le justifieur avec les lettres qu'il contient, mais seulement sur le côté du corps, pendant qu'une autre vis, dite vis de la frotterie, pointée sur le bout de la pièce du dessus dudit justifieur, l'oblige à reculer en serrant les lettres sur le flanc. Cela fait, on a trois rabots, dont la figure est analogue à leur usage ; ces rabots ne diffèrent entre eux que par le fer tranchant, qui dans l'un est fait en forme de ciseau, et à la largeur du tiers du corps. Son effet est d'enlever au pied de la lettre, par lequel on commence, toutes les petites élévations ou inégalités causées par la cassure du jet, en creusant un peu le milieu du pied de la lettre, et ne lui laissant pour point d'appui qu'environ les deux autres tiers, qui, étant formés par le moule, sont toujours justes. Voilà ce qui décide la #hauteur en papier. On desserre les deux vis à la fois, l'une de la main droite, l'autre de la gauche, et on enlève toutes les lettre du justifieur d'un seul coup, pour les retourner, et les y remettre le pied au fond et l'œil en dehors. La façon qu'il faut faire de ce côté consiste à enlever obiquement, en forme de talus, dessus ou dessous les lettres, les extrémités du corps qui ne sont pas occupées par la figure desdites lettres, afin que l'angle de ces parties ne marque pas à l'impression. Pour y parvenir, on emploie les deux autres rabots, l'un pour le dessus, l'autre pour le dessous des lettres : le premier coupe à droite, le second à gauche. Ce rabot, présenté à l'entrée du justifieur, est poussé jusqu'à l'autre bout, et enlève en passant tous les angles inutiles, à savoir, ceux du dessus et de dessous pour les lettres courtes, comme les m, a, c, e, etc. ceux de dessous pour les longues d'en haut, comme les M, b, d, f, i, etc. et ceux de dessus pour les longues d'en bas, telles que les g, p, q, y, etc. Pour les courtes, on se sert des deux rabots ; les autres lettres sont coupées dessus ou dessous avec les rabots qui répondent au côté #que l'on veut couper. L'attention du coupeur doit être de ne pas prendre un rabot pour l'autre ; car, d'un seul coup, il couperait l'œil de la lettre au lieu des angles. Les lettres pleines, , qui occupent tout le corps, ne laissent rien à couper. Cette opération se fait de suite à nombre de composteurs ainsi garnis, que l'on arrange à mesure sur un râtelier, par douze ou par treize à chaque dent, ce qui facilite le transport de ces composteurs d'un râtelier à l'autre par seize à la fois.

Les caractères ainsi coupés par le pied et du côté de l'œil, sont portés au râtelier de la table d'apprêt, pour y recevoir la dernière façon, que l'on nomme apprêter. Elle consiste à donner aux corps cette justesse et cette précision si nécessaires à la perfection d'un caractère. Pour cet effet, on transporte chaque rangée de lettres du composteur où elles sont, sur d'autres plus forts et proportionnés à la grosseur des lettres ; on les nomme pour cela composteur d'apprêt ; puis avec un couteau de deux à trois pouces de long, et dont le taillant est bien de niveau, on enlève sur les deux faces de la lettre qui constituent le corps, tant #et si peu de métal qu'il en faut pour le mettre à son degré de précision. Après avoir touché d'un côté, on retourne les lettres de l'autre, et on en fait autant, en ménageant les coups de couteau relativement à l'alignement des lettres, que l'on passe encore entre les m m sur la justification, pour s'assurer s'il n'y a rien de dérangé ; car dans le cas où la lettre qu'on apprête paraîtrait descendre un peu, il faudrait ôter du métal du côté du cran, en proportion du défaut, et n'en presque point ôter si la lettre monte : ce que l'on ôte de moins d'un côté, on l'ôte de plus de l'autre ; et comme dans une fonte de deux ou trois cents milliers de lettres, les dernières fondues sont un peu plus faibles de corps que les premières, à cause du frottement continuel du moule qui s'affaiblit insensiblement par l'usage, l'apprêteur ôte moins de métal sur les dernières.

Pour s'assurer d'une parfaite égalité de corps dans toutes les lettres d'une fonte, on se sert de deux moyens. Le premier qu'on a mis en usage jusqu'à présent, est de prendre une vingtaine d'm, plus ou moins, dont on est sûr pour la précision du corps ; on les couche de #côté, dans ce sens , sur un composteur ordinairement fait exprès : ce nombre de lettres s'appelle la justification de corps, et sert de guide pour toute la fonte. On couche sur ces vingt m, vingt autres lettres de celles qu'on apprête. Si ces dernières excèdent un peu les autres, c'est une marque qu'elles sont plus fortes sur le corps ; l'apprêteur les recompose sur son composteur, et donne de nouveau quelques coups de couteau, jusqu'à ce qu'enfin elles soient égales à cette justification. L'autre moyen est nouveau, et de mon invention : j'ai imaginé un instrument que je nomme prototype, qui règle la force de corps, non seulement pour une fonte, mais aussi pour tous les caractères en général, et leur donne une précision qu'ils n'ont jamais eue : on en verra l'usage ci-après.

C'est de la justesse de ces opérations que dépend la plus ou moins grande perfection d'une fonte. Il arrive de là que les caractères du plus habile graveur peuvent devenir, entre les mains d'un fondeur ignorant, un fort mauvais ouvrage. Il est donc nécessaire que l'ouvrier chargé d'apprêter soit intelligent, parce# qu'indépendemment de l'exacitude de l'apprêt, il doit s'apercevoir de tous les défauts qui peuvent s'être échappés dans les différentes parties de l'exécution des caractères, afin d'y remédier s'il est possible, ou pour les jeter et les faire recommencer, si l'on ne peut faire autrement. Pour cela, lorsqu'il a fini d'apprêter un composteur, il en visite les lettres en les parcourant de la vue, pour en ôter les mauvaises d'œil, les grosses, les hors de ligne, les fortes de corps et les hautes en papier, supposé qu'il s'en trouve qui aient ces défauts. Les mauvaises d'œil sont des lettres gâtées dans le cours de l'ouvrage, ou que le fondeur a laissées par inadvertance. Les grosses viennent de ce que le moule a été mal fermé, ou de ce qu'il s'est glissé une ordure entre la matrice et le registre. Les hors de ligne viennent de ce que la matrice n'ait pas été bien rabattue sur le heurtoir, ou du fait qu'il se soit glissé entre celui-ci et la matrice quelques parcelles de métal. Les fortes de corps viennent d'un petit grain de fer que le frottement du moule fait lever en quelque endroit sur les longues pièces ou sur les blancs, principalement aux moules dont le fer est pailleux,# ce qui a fait donner à ce grain le nom de paille ; ou bien lorsqu'il se trouve quelque corps étranger entre ces pièces. L'apprêteur s'aperçoit de ce défaut, lorsqu'en passant le couteau sur la rangée de lettres, il en trouve quelques-unes qui excèdent les autres. Les hautes en papier sont occasionnées de même par quelques parcelles de métal qui se glissent entre la matrice du côté de l'œil et les blancs : le métal fondu et coulé remplit les interstices et fait cette addition.

Ces défauts laissés dans une fonte, soit par l'ignorance du fondeur, ou parce que l'imprimeur ne payant pas le prix ordinaire, autorise à n'être pas scrupuleux sur la recherche des lettres, rendent un caractère imparfait qui déshonore l'imprimerie. Les fontes étant apprêtées, on conserve de chacune une vingtaine d'm, que l'on enveloppe dans du papier sur lequel on écrit le nom du caractère, son œil, la marque du moule sur lequel il a été fondu, le nom de l'imprimeur pour qui la fonte a été faite, et la date de la livraison. On renferme ces petits paquets dans des tiroirs qui portent chacun le nom du caractère qu'ils# renferment, pour y avoir recours lorsque l'imprimeur a besoin de supplément à un caractère.

Enfin, les lettres, après avoir passé par huit ou dix mains pour la seule action de la fonderie, sont arrangées en forme de pages, du poids de huit ou dix livres ; ou bien on les met dans des cornets de papier, lorsque le caractère est petit et qu'il ne doit pas sortir de la ville où il a été fabriqué.

On les livre ensuite à l'imprimeur, qui les emploie, suivant qu'il soit guidé par l'honneur de son état, par les lumières de sa raison ou sa cupidité, à des objets saints, honorables, frivoles, dangereux, et quelquefois infâmes ; ce qui a fait dire que l'imprimerie est l'organe de la force et du délire de l'esprit humain.



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