Manuel typographique de Fournier, tome I, 1764
chap. XIII, p. 87-90.

Chapitre
XII 
Chapitre
 XIV
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87
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XIII — Seconde partie
De la fonte des caractères


#Seconde partie
De la fonte des caractères

L'art de fondre les caractères d'imprimerie, qui est la seconde partie de la typographie, exige de celui qui l'exerce des connaissances et de l'industrie. Il peut ignorer la gravure, puisqu'il s'est écoulé des demi-siècles entiers sans qu'il se trouvât un seul graveur de caractères en France ; mais il doit au moins savoir la manière de justifier les matrices, et posséder la théorie de l'imprimerie, pour assujettir son travail à cette troisième et dernière partie, qui est le complément de l'art et le point de vue du graveur et du fondeur. Son ouvrage doit être livré à l'imprimeur dans toute sa perfection, parce que celui-ci n'y peut rien #changer ; d'où il arrive que si le fondeur a fait des fautes dans sa partie, l'imprimeur les rend dans la sienne et les perpétue tant que le caractère dure.

Ce que l'on entend par fonderie est un fonds de matrices, de moules, de poinçons et d'ustensiles propres à satisfaire aux besoins de l'imprimerie pour les objets d'impression. Le fondeur est le possesseur de ce fonds, qu'il fait valoir selon les règles et les principes que je vais détailler.

Parmi ces principes, il y en a de nouveaux que j'ai eu l'avantage d'établir le premier, tant pour ce qui regarde la fabrique et les proportions des caractères, que pour ce qui concerne l'invention de nouveaux instruments : par là cette partie deviendra d'autant plus intéressante, qu'elle sera plus neuve pour les fondeurs et plus utiles à l'imprimerie.

Il y a dans l'imprimerie vingt sortes de caractères appelés corps ; sur chacun de ces corps, on fond des caractères romains et italiques, ce qui forme quarante frappes de caractères pour l'usage ordinaire ; à ceux-ci on en ajoute d'autres, dont l'œil est un peu plus #petit ou un peu plus gros que l'œil ordinaire, ce qui fait différentes nuances de grosseur, quoique renfermées toujours sous le même corps. Pour distinguer ces différentes nuances, on les nomme ainsi, petit œil, œil ordinaire, œil moyen, gros œil, comme on le verra par les épreuves au second volume. Cela fait autant de répétitions de frappes, qui peuvent doubler ce nombre de quarante ; ainsi quatre-vingts frappes multipliées par cent cinquante matrices, en forment déjà douze mille. Si l'on y ajoute celles des caractères orientaux, des notes de plein-chant, des ornements de fonte, des lettres de deux points, et celles des différentes figures qui sont en usage dans l'imprimerie, on trouvera qu'il faut au moins vingt mille matrices pour former une fonderie complète dans cette partie. Ces matrices doivent être conservées dans un si grand ordre, que l'on puisse prendre à l'instant, parmi ce grand nombre, celle dont on aura besoin.

Ces frappes sont relatives à des moules proportionnés aux différentes grosseurs des caractères, de façon que toutes les matrices d'une même frappe soient adaptées successivement #au moule pour rendre leur figure sur le métal.

Les matrices étant bien justifiées et le moule préparé dans toute la perfection qui convient, il ne s'agit plus que de multiplier les lettres par la fonte, et de leur donner, par les autres opérations, le degré de proportion et de justesse qui leur est propre ; ce que je vais décrire de suite, pour présenter une idée complète de l'art, et ne pas distraire l'attention du lecteur par l'explication de diverses parties qui couperaient la narration, mais auxquelles je me propose de revenir par articles.



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