Manuel typographique de Fournier, tome I, 1764
chap. X, p. 63-67.

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IX 
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63
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X — De la trempe


#De la trempe

Les poinçons étant taillés de façon qu'il n'y ait plus à y retoucher, il faut leur donner, par la trempe, le degré de dureté qui convient, pour qu'ils puissent être enfoncés à coups de marteau dans des morceaux de cuivre, et y laisser leur empreinte sans s'émousser ni se rompre.

On a un fourneau, ou un poêle rempli de charbon allumé ; on y pose deux, trois ou #quatre poinçons à la fois ; on souffle le feu jusqu'à ce qu'ils aient acquis la même couleur, non pas celle de ce feu blanchâtre qui est occasionné par le vent du soufflet, mais la couleur naturelle du feu. Quand le poinçon est dans cet état, on le prend avec une pince longue et pointue, et on le plonge du côté de l'œil dans l'eau froide, au quart de la hauteur, en le promenant ainsi un moment sur la surface de l'eau, pour donner plus de dureté à cette partie ; puis on le plonge en entier. On répète cette opération tant qu'on a des poinçons à tremper, en changeant et refroidissant l'eau à mesure qu'elle s'échauffe. C'est ce conflit de chaud et de froid qui resserre et comprime les pores de l'acier et qui les durcit, et c'est l'égalité du froid de l'eau et du chaud de l'acier qui fait l'égalité de la trempe.

La marque évidente que le poinçon est trempé, est lorsque le bout qui a d'abord été plongé dans l'eau est découvert, c'est-à-dire, lorsque les scories occasionnées par le feu sont en partie détachées par l'action de la trempe. Dans le cas contraire, où il serait également noir et terreux partout, il faut le tremper# de nouveau et le faire rougir davantage au feu.

Ce degré de trempe est néanmoins trop aigre ; certains traits des poinçons pourraient se casser, si on les frappait dans ce état : il leur faut nécessairement une seconde opération, qui consiste à les faire revenir. Comme il n'est pas possible de leur donner, au premier coup, le juste degré de trempe qui convient, on leur en donne un peu plus qu'il ne faut, puis on les fait revenir au point où l'on veut qu'ils soient. Pour cela, on nettoie le poinçon par un seul côté du talus proche l'œil, en le frottant sur une pierre-ponce ; puis on le présente par le gros bout sur un feu ardent, en le tenant du côté de l'œil avec une pince. On a toujours les yeux fixés sur l'endroit nettoyé ; et lorsqu'on lui voit prendre une couleur de pelure d'oignon, on le fixe à ce point, en le plongeant dans l'eau. Si le poinçon avait été trempé trop sec, parce qu'on aurait été surpris par l'activité du feu, il faudrait aussi le faire revenir davantage, en laissant devenir un peu plus foncée cette couleur de pelure d'oignon, de même qu'on la rend presqu'insensible, lorsqu'on soupçonne# que le poinçon est moins trempé. L'opération de faire revenir le poinçon est indispensable ; elle le conserve et l'empêche de se casser, n'ayant que le degré de dureté qui convient.

Cette opération est beaucoup plus facile pour les graveurs qui ont une fonderie. On plonge le poinçon dans le métal fondu, en le tenant avec la pince, et en ne laissant sortir que le bout nettoyé. Comme on n'a pas les yeux éblouis ou fatigués par l'ardeur du feu, on saisit plus à son aise et plus sûrement la couleur que l'on veut lui laisser prendre, et qui fixe le degré de la trempe.

Il faut proportionner le degré de dureté de la trempe à la difficulté de l'objet que l'on veut surmonter. C'est pourquoi le contrepoinçon, qui doit agir sur l'acier même, en y laissant son empreinte, demande à être plus dur que le poinçon, qui n'agit que sur le cuivre : aussi le laisse-t-on dans sa première trempe, sans le faire revenir. Il vaut mieux qu'il casse que de refouler, parce que quand il casse, souvent l'empreinte est faite, au lieu que s'il se refoule, on est dans l'obligation de recommencer.

#La seconde opération qu'il faut faire au poinçon, après qu'il ait trempé, c'est de le parer ; ce qui s'exécute en dégageant la lettre et la tige des scories que le feu y a produites. Pour cela, on passe et on frotte en tous sens, sur une pierre-ponce fine et douce, le bout du poinçon gravé, jusqu'à ce qu'il soit devenu à peu près aussi clair qu'il l'était avant d'être trempé ; puis, avec la pointe d'une aiguille, on ôte du creux qu'a fait le contrepoinçon, la poussière de la pierre-ponce et les scories qui peuvent s'y trouver ; ensuite, avec un gratte-bosse de fil de laiton, on nettoie la tige du poinçon.

Ces opérations faites, les poinçons sont entièrement finis. Il ne reste plus au graveur qu'à les frapper dans le cuivre, pour en faire les matrices, après quoi il les serre précieusement ; et pour les conserver et les mettre à l'abri de la rouille, qui pourrait les endommager, on les enduit d'une légère couche d'huile d'olive, et on les garde dans un lieu sec.



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