Les notes du plein-chant sont des figures carrées, losanges, rhomboïdes, etc. contenues entre ou sur quatre barres ou filets. Pour représenter ces figures dans la place qu'elles doivent occuper, il faut que les poinçons portent 4, 5, 6, et 7 barres, afin que ^#les dites figures puissent monter ou descendre à différentes positions. Le nombre de poinçons est communément de vint-neuf ou trente. On en fait six ou sept à quatre filets seulement, dits cadrats de notes ; savoir, le premier d'épaisseur juste d'une demi-note, le 2^e d'une note, le 3^e d'une note et demie, le 4^e de deux, le 5^e de trois ou de quatre, le 6^e de cinq ou de six. Il y en a huit à cinq filets, dix à six, et deux à sept. Voici leur figure, ainsi qu'elle doit être représentée sur le poinçon.

Il arrive quelquefois que l'on veuille des dièses dans le plein-chant : pour lors, on fait deux poinçons de plus ; un à 5 filets, le dièse sur le second ; l'autre à 6 filets, le dièse dans l'intervalle du second au troisième. Voici encore ^#quatre figures qui sont de doubles notes :

Celles-ci servent rarement et il est bon de les supprimer, parce qu'elles sont inutiles et hors de mode.

On grave encore les figures dont voici un exemple, pour pouvoir ajouter en cinquième ligne, une note, une cadence ou tremblement, une syncope, un bémol, un bécarre, etc.

Avant moi, le nombre de filets était plus grand. Les notes à queue et les guidons portaient huit filets, au lieu de six que je leur donne : ce qui provenait du mauvais goût de nos prédécesseurs dans cet art, lesquels composaient ces notes la queue en bas, au lieu de les retourner tout simplement la queue en haut, à l'imitation de la musique, ainsi qu'on le voit dans ces deux exemples :

^#Le premier présente l'ancienne manière, et le second celle que j'ai introduite.

Cette première manière de composer ces notes, la queue en bas, était d'autant plus désagréable à la vue, qu'elle embarrassait la ligne de caractère qui était dessous, occasionnait au graveur la façon de deux filets de plus pour ces poinçons, et augmentait la fonte de plein-chant des seize sortes de notes marquées ci-dessus. Le mécanisme de la fonderie en devenait aussi plus compliqué, parce qu'il fallait ajouter deux heurtoirs de plus au moule ; enfin cela causait à l'imprimeur la dépense de ces sortes inutiles, et l'embarras de seize cassetins de plus à sa case.

Mais en retournant ces notes, et mettant la queue comme je viens de le représenter, tout rentre dans l'ordre de la propreté et de la simplicité que le graveur doit toujours avoir en vue. Donnons à présent la manière de les graver.

Le point difficile est de rendre ces filets si également distants les uns des autres sur le poinçon, qu'en les employant successivement à la fonte, pour faire monter ou descendre les notes, ils se trouvent au nombre de quatre exactement^# vis-à-vis les uns des autres, de façon qu'ils forment quatre lignes de filets droits et égaux dans toute la longueur de la page.

J'ai vu employer un moyen qui ne m'a point paru assez sûr pour me déterminer à le mettre en usage, lorsque j'ai eu besoin de graver des notes de plein-chant : le voici. Le graveur ayant pris avec un compas la distance qu'il voulait donner aux filets, répéta huit fois cette distance sur une lame de cuivre, et à chaque distance il faisait une petite incrustation en forme de point, pour servir d'appui à l'une des pointes de son compas. Il avait ménagé, à l'extrémité de cette lame, une entaille pour appuyer l'acier dressé et poli sur la surface et propre à recevoir la trace du compas à pointe d'acier. Ce compas, arrêté à vis à la distance convenable, était posé par une pointe sur le premier point d'en bas des huit lignes tracées sur la lame de cuivre ; l'autre pointe, atteignant le poinçon par en bas, y traçait un trait : ce compas, remonté au second point, traçait un second filet sur l'acier, et ainsi jusqu'au huitième. Par ce moyen, le graveur formait, à la vérité, des distances égales sur chaque poinçon ; ^#mais ces traits étaient un peu circulaires, alors qu'ils doivent être extrêmement droits. En voulant corriger ce défaut à la lime et au coup d'œil, on se trompait nécessairement à quelques-uns des filets ; au moyen de quoi ils ne se rencontraient plus exactement, et c'est ce qui n'a pas manqué d'arriver aux notes qui ont été faites par cette méthode. J'en ai imaginé une autre qui me paraît plus sûre.

Un caractère de plein-chant doit être fondu sur un corps qui en porte exactement quatre fois un autre ; d'où l'on dit une note de quatre points de Nompareille, de Cicéro, de Grosromain, etc. lorsque sa grosseur répond à quatre corps de chacun de ces caractères : par conséquent, elle doit être gravée relativement à ces proportions. Pour y réussir, voici comment je procède.

Supposons que j'ai à faire une note de quatre points de Nompareille. Je fonds sur ce corps de Nompareille un petit filet semblable à ceux que je veux former sur les poinçons : ce filet étant juste au milieu du corps de la Nompareille, j'en mets huit l'un sur l'autre, que j'assujettis avec du fil entre deux petits morceaux^# de bois mince ; voilà le modèle exact pour les filets de poinçon. Je taille ensuite, sur une lame d'acier de la même largeur que ces huit filets, huit points qui leur répondent exactement : cet acier, étant trempé, me sert à tracer juste, d'un même coup, sur le poinçon le nombre de barres ou de filets qu'il doit contenir.

Toutes les notes courtes ou à queue, les bémols, les bécarres, les dièses, etc. doivent être exactement de la même épaisseur, afin qu'à la composition ou à la correction dans l'imprimerie, un objet prenne justement la place de l'autre. Les guidons, dans les petites notes, sont également de la même épaisseur que les notes, les réglets achevant ce qui manque à la largeur du guidon. Il faut donc préparer l'acier, d'une seule et même épaisseur, pour tous les poinçons de note, et le passer pour cela dans un calibre. La hauteur répondra au nombre de filets que doit contenir chaque poinçon, sur lequel, après qu'il ait dressé et poli à la surface, on trace, avec l'instrument à huit pointes, autant de traits qu'il doit en porter. Pour y parvenir, on met ce poinçon dans un étau,^#presque à la surface des machoires : on a une espèce d'équerre de fer ou de cuivre, faite exprès, que je nomme guide : il est limé un peu en talus par dessous, pour joindre le niveau du poinçon. Le plan de ce guide est traversé par une éminence qui fait un rebord en forme de règle, lequel sert à conduire droit et à guider cet instrument à huit pointes qui trace les filets, entre ou sur lesquels on dessine les figures de la note, ainsi que je l'ai expliqué ci-devant. Alors il ne s'agit plus que de dégager les filets de la masse d'acier qui les environne en dedans : on en vient à bout peu à peu avec la lime, après quoi l'on répare avec un burin plat ou losange, en ôtant l'acier qui avoisine les traits. Cela fait, on passe le poinçon sur la pierre à l'huile, qui le polit de nouveau, en effaçant les traits des pointes : pour lors on a recours au calibre de fonte, composé de huit filets liés ensemble ; on le présente vis-à-vis des filets du poinçon ; on retouche ceux-ci pour les mettre d'accord avec ce calibre, au moyen de quoi ils se trouvent dans l'égalité de distance convenable.

On n' a besoin de contrepoinçon que pour^# les bémols, les bécarres, les dièses et les clefs ; le reste se taille à la lime. Le mérite consiste dans la précision de la rencontre des barres. Voilà les caractères de plein-chant les plus commodes pour la composition, et les plus usités.

On en fait d'une autre façon, que l'on nomme note brisée, parce qu'on la grave en plus de parties et qu'on la fond sur quatre corps différents, afin d'accoler toutes les pièces en première, deuxième, troisième et quatrième ligne : en voici le nombre et la figure.

^#La grandeur des poinçons est relative aux corps qu'ils doivent occuper, ainsi qu'on le voit par cet exemple, qui est une note de quatre points de Nompareille dont le quart est la dite Nompareille, le double le Cicéro, les trois-quarts le Gros-romain, et la totalité la Palestine. On verra l'usage de toutes ces parties à l'article de la fonte des lettres.

Le graveur observe de tailler tous les poinçons de notes sur l'épaisseur décidée par la note carrée  ; et les cadrats de filets simples, doubles, triples ou quadruples, sont taillés à partir de la dite épaisseur : les uns portent une demi-note, les autres deux, deux et demi, trois, quatre, cinq ou six. Pour ne point trop multiplier les êtres, on peut supprimer, si l'on veut, une couple des plus grandes largeurs de ces cadrats à filets : les petits y suppléent, mais l'ouvrage est moins gracieux lorsqu'il est imprimé, parce qu'il y a plus de hachures ou interstices entre les filets.

On fait peu d'usage du contrepoinçon pour cette note. La plus grande partie des poinçons se taillent à la lime, comme je l'ai marqué pour la précédente, et les largeurs se décident par ^#les mêmes calibres. Pour donner l'égalité des filets, qui est le point essentiel, on en trace les traits sur l'acier avec un calibre pointé de quatre ou cinq points, lequel marque autant de traits que le poinçon peut en contenir ; puis on dessine la figure avec la pointe à tracer, après quoi on taille, on évide, on polit et on corrige le poinçon, comme je l'ai marqué plus haut, en présentant souvent le calibre à filets de fonte vis-à-vis de ceux du poinçon, afin de les amener à la même distance.

Pour diriger en général la largeur des filets de notes, il faut d'abord le poinçon de la note carrée , ou de celle-ci à queue , en frapper et justifier la matrice, et en fondre quelques-uns, dans l'approche qui leur convient : cette figure servira de modèle de largeur pour les filets. On met une de ces notes dans le calibre, en forme de trusquin, pour en prendre la largeur : le vide de ce calibre est rempli par le poinçon du filet d'une note ; puis on élargit successivement ledit calibre, suivant le nombre de notes fondues qu'on y présente ; ce qui forme la largeur que doivent avoir les différents filets, en observant que les notes ^#entrent à l'aise dans le calibre, et que le filet y soit juste, afin qu'à la frotterie il s'atteigne jusqu'au vif.

Les graveurs paresseux, et qui n'ont pas à cœur la perfection de leur ouvrage, ne font qu'un seul et large poinçon de chaque espèce de filet, simple, double, triple et quadruple, avec chacun desquels ils frappent plusieurs matrices sur des morceaux de cuivre propres à former les diverses largeurs. Il arrive de là que ces matrices, qui n'ont pas de cuivre après les filets, sont arrondies en peu de temps ; que ces filets, anticipant nécessairement sur le blanc du moule, laissent un excédent sur la tige de fonte, qu'il faut émonder, c'est-à-dire couper avec un couteau à chaque tige fondue, au risque d'égrener quelques parties qui doivent y rester : d'ailleurs cette opération est fort longue.