Manuel typographique de Fournier, tome I, 1764
chap. V, p. 25-28.

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V — Des vignettes


#Des vignettes

Les petits ornements mobiles, qu'on nomme Vignettes, sont une partie de l'art qui a été négligée par nos anciens graveurs : ce qu'ils en ont fait mérite peu de considération, tant pour le nombre que pour la figure. Ce n'est #que depuis une trentaine d'années que l'Imprimerie s'est enrichie dans cette partie, premièrement par les graveurs de l'Imprimerie royale, secondement par ce que j'ai fait en ce genre pour les autres imprimeries du royaume : on en verra les figures à la suite de cet ouvrage. Mes vignettes sont assez bien imitées dans les pays étrangers, mais on ne les a que très grossièrement contrefaites à Paris, faute d'art et d'intelligence de la part des imitateurs.

La taille des vignettes demande des précautions, si l'on veut qu'elles puissent servir, par leur combinaison, à la composition de quelques légers dessins. Pour cela, il faut qu'elles remplissent le corps sur lequel on les destine, et qu'elles soient faites sur des largeurs déterminées et correspondantes à d'autres corps.

L'acier étant dressé à la hauteur et largeur que l'on destine à la vignette, et poli sur la pierre, on dessine dessus, avec la pointe à tracer, la figure que l'on a imaginée ; mais pour ce dessin et cette exécution, il faut du goût et de l'adresse, et c'est ce que la théorie ne #peut enseigner. Le dessin étant tracé, on dégrossit l'acier jusqu'aux traits marqués, puis on évide le dedans avec le burin et le ciselet, et on le perfectionne avec la pointe tranchante. Après l'avoir passé de nouveau sur la pierre à l'huile, on en fait l'essai sur une carte par le moyen du noir de la fumée d'une bougie, et on corrige jusqu'à ce que le poinçon soit parvenu au point où on le souhaite.

Lorsque l'on veut faire le pendant d'une vignette, c'est-à-dire en répéter la figure dans un sens opposé, comme on le voit ici,

il faut préparer le second morceau d'acier de la même manière que le premier, auquel on le rend parfaitement semblable. Après qu'il est bien poli, on l'enduit d'une légère couche de cire blanche, que l'on fait un peu chauffer ; on passe ensuite le poinçon qui est fini sur la fumée d'une bougie, et on l'imprime sur celui auquel on travaille : la cire en reçoit l'empreinte, qui se trouve dans un sens opposé : on en trace les traits ou contours avec la pointe, et, après en avoir ôté la cire, on suit les #traits que la pointe y a laissés, comme on a fait pour le premier ; par-là, cette même figure est répétée sûrement dans un sens opposé.

Les vignettes s'évident presque toutes au burin, et se réparent à la pointe. Comme il faut que le burin soit trempé sec, pour qu'il puisse mordre sur l'acier, il arrive souvent que la pointe se casse. Pour la rétablir promptement, il est nécessaire d'avoir une petite meule de grès montée sur sa cuvette. Lorsque la figure intérieure de la vignette est susceptible de contrepoinçon, il faut employer ce dernier moyen par préférence.



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