Manuel typographique de Fournier, tome I, 1764
chap. II, p. 4-9.

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II — Du calibre


#Du calibre

Le calibre est un petit morceau de laiton, de tôle ou de fer-blanc, carré, de l'épaisseur d'une carte, sur lequel on taille la hauteur que doit avoir la figure des lettres ; mais cela demande les plus grandes précautions. Pour y réussir, voici les moyens que j'ai imaginés. Je divise en sept parties égales le corps du caractère que j'ai à graver ; j'en prends trois pour les courtes, cinq pour les longues, et sept, ou la totalité, pour les pleines : l'esquisse qui suit suffira pour en donner l'idée.

#Ces grandeurs étant données, il ne s'agit plus que les tailler sur le callibre : pour celà, je dresse l'équerre les angles du laiton que je destine à me servir de calibre ; puis j'y trace les distances, avec une pointe d'acier guidée par une fausse équerre. Cette fausse équerre, dite beuveau, a une branche plate et mobile, retenue par une vis dans un montant plus épais, qui fait rebord, contre lequel on appuie le laiton. Je commence par tracer un trait dans la hauteur du calibre, pour rendre les lettres perpendiculaires  puis, prenant avec un compas très pointu les trois, les cinq ou les sept parties du corps, je les trace transversalement sur le calibre, dans toute sa largeur. Il ne s'agit plus que d'enlever avec la lime le petit carré de laiton qui est entre les traits, lequel, étant ôté, laisse dans chaque partie un vide, qui est la calibre. Il y en aura donc quatre sur un côté du laiton ; savoir, un de sept parties pour les pleines, un de cinq pour les longues, un de trois pour les courtes, et un de trois et demie pour les petites capitales, parce qu'il faut qu'elles excèdent un peu les autres courtes, pour avoir# plus de grâce. Les lettres longues ou à queue, comme les d,h,y, etc. passent dans deux calibres, la totalité dans celui de cinq points, et les panses ou milieux dans celui de trois, devant se trouver de niveau avec le courtes. Voilà pour le caractère romain.

L'autre côté du calibre sert pour l'italique. Les traits transversaux sont marqués en même temps que ceux du romain : il ne s'agit plus que de tracer un trait oblique dans la hauteur du calibre pour voir la pente de l'italique. Or, comme il est bon que tous les caractères italiques, tant gros que petits, aient la même inclinaison, il faut la fixer sur un morceau de laiton qui servira de calibre pour cette partie. À cet effet, l'on dresse d'équerre un angle d'un morceau de laiton, et l'on coupe l'autre en angle obtus, en lui donnant l'inclinaison que l'on veut donner à l'italique. Cette lame, dite calibre de pente, et qui servira de règle pour l'inclinaison de toutes les italiques, est présentée sous la branche mobile du beuveau, que l'on incline dessus ; ce qui forme la pente propre à être tracée sur le calibre.

Le calibre des lettres étant ainsi taillé, #d'un côté pour le romain, et de l'autre pour l'italique, servira pour ce que l'on appelle œil ordinaire, qui est le plus en usage. Si l'on veut graver un caractère gros œil, ce qui consiste à donner aux lettre courtes plus d'étendue, telle qu'est la seconde lettre ici figurée par rapport à la première, l'on agrandit seulement le troisième calibre, qui est pour les courtes, ou bien l'on fait usage du quatrième, qui sert aux petites capitales. Cela raccourcit d'autant les queues des lettres longues d, q, etc. dont la panse devient par-là plus haute, les queues ne pouvant être allongées, parce qu'elles excéderaient le corps, qui est toujours le même, soit pour un gros, soit pour un petit œil. On peut seulement tenir ces longues un peu plus justes dans le second calibre, même l'agrandir un peu, parce que les courtes à gros œil tenant plus d'espace sur le milieu du corps, les longues d'en haut descendent plus bas, et celles d'en bas montent plus haut sur ledit corps ; ce qui laisse une nuance de grandeur de plus pour les longues.

Il y a une chose essentielle à observer dans la taille du calibre ; c'est d'ouvrir un peu moins #le troisième calibre des courtes pour l'italique que pour le romain. Si ce calibre était de la même grandeur, l'italique paraîtrait, à l'impression, plus grand que le romain, parce qu'en effet un trait incliné est plus long qu'un trait perpendiculaire, lorsque les deux occupent un même espace.

Les calibres pour les autres caractères se taillent de même, à raison de leur figure et de leur grandeur, qu'il faut bien étudier ; car c'est de là que dépend ce qu'on appelle le coup d'œil du caractère. Un calibre, surtout celui qui sert pour les courtes, tenu un peu trop grand ou trop petit, jette dans le plus grand inconvénient. Une lettre, lorsqu'on l'y mesure seule, n'offre rien qui soit sensiblement trop grand ou trop petit ; mais dix milliers de ces lettres, assemblées pour former un discours, répètent dix mille fois le défaut ; et, quelque petit qu'on le suppose, il en résulte un effet opposé à ce qu'on s'était proposé. Le même inconvénient arrive encore lorsqu'on donne trop ou trop peu d'épaisseur aux traits, relativement à leur hauteur ; ce qui fait qu'un caractère parait louche et imparfait,# sans qu'on en puisse souvent deviner la raison.

La grandeur des lettres étant ainsi déterminée par le calibre, il s'agit d'y conformer les poinçons.



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