Manuel typographique de Fournier, tome I, 1764
chap. XXIX, p. 191-197.

Chapitre
XXVIII 
Chapitre
 XXX
Premier folio
191
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XXIX — Des moules
Du moule à caractères


#D E S   M O U L E S
Du moule à caractères


Voir planche hors-texte V

Le moule est un composé d'environ cinquante pièces de fer, en y comprenant les vis et les écrous qui les unissent et les lient ensemble. Les principales pièces sont les platines, sur lesquelles on assemble les autres ; les longues pièces, dont chaque bout est fendu carrément du tiers environ de leur longueur et de leur largeur : cette entaille, appelée fourchette, reçoit une partie saillante qui conduit d'équerre le deux pièces du moule l'une sur l'autre, ce qui fait qu'elles s'éloignent ou s'approchent toujours carrément. Les blancs sont fixés sur les longues pièces à moitié de leur longueur, et forment deux parties saillantes qui constituent le corps du caractère, et qui donnent le nom au moule : si les blancs sont d'épaisseur du Cicéro, le moule est nommé de #Cicéro, et ainsi des autres. La potence, ainsi appelée à cause de sa figure, traverse perpendiculairement, par un trou carré, les blancs, la longue pièce et la platine, et se lie ensemble par la vis qui est adhérente à un bout de la potence, et par un écrou. Sa tête, plus longue de moitié que l'épaisseur de sa tige, fait sur le blanc une éminence oblongue qui s'emboîte dans la fourchette de l'autre pièce du moule. Le jet forme, lorsque le moule est fermé, une espèce d'entonnoir carré, large par en haut et se réduisant par l'autre bout à la largeur du tiers du corps de la lettre ; c'est par là que l'on introduit le métal dans toute la longueur du moule. Il joint par une face la longue pièce et le blanc, et est retenu sur la platine par une vis et un écrou. Les hausses sont de petites pièces unies aux blancs. Elles font une addition à la hauteur de ces derniers, et servent à rendre la tige de la lettre plus ou moins haute, en la mettant au point juste où l'on veut qu'elle soit pour donner la hauteur en papier. On pourrait se passer de ces hausses, en faisant les longues #pièces et les blancs de la hauteur convenables ; mais il est mieux d'en mettre à tous les moules, non seulement pour que l'on puisse par ce moyen varier la hauteur suivant le besoin, à cause de la différente profondeur des matrices, mais encore parce que les angles où elles sont posées étant les parties du moule qui s'usent les premières, on rafraîchit cette partie en changeant les hausses. Il y a aussi des hausses de corps, qui sont des morceaux de clinquant minces, que l'on met entre la longue pièce et les blancs : voici pourquoi. Les blancs, qui sont la mesure juste et déterminée du corps des lettres, reçoivent insensiblement de l'altération causée par le frottement continuel qui se fait en ouvrant et fermant le moule trois cents mille fois, si l'ouvrage pour lequel on s'en sert est de trois cent milliers de lettres. Pour rétablir ce moule dans son premier état, et lui rendre la partie de force que lui a enlevée ce frottement, on met dessous le blanc quelques morceaux de clinquant, qui sont serrés et retenus sur les longues pièces par les vis du blanc. Les registres sont deux pièces posées dans la partie inférieure du moule pour recevoir# les matrices. Ils sont retenus chacun par une vis et par un écrou, mais de façon qu'ils soient un peu mobiles, pour qu'à petits coups de marteau l'on puisse les avancer ou les reculer, ce qui donne aux lettres les différentes épaisseurs que l'on souhaite.

Toutes les pièces que je viens de nommer sont doubles, parce qu'elles servent à former deux moitiés du moule presque semblables, l'une nommée pièce du dessous, l'autre pièce du dessus ; chacune est montée sur du bois, pour qu'on puisse les tenir. Ces bois de moule sont taillés sur la figure extérieure des pièces, qui est un hexagone irrégulier. Ces deux pièces, que l'on emboîte l'une sur l'autre à chaque lettre que l'on fond, forment le moule complet.

La pièce de dessous a trois parties de plus que l'autre, savoir le cran, le heurtoir et l'archet. Le cran est une petite éminence longue et convexe, fixée sur la longue pièce. Il y est retenu d'un bout par une une partie pliée d'équerre, qui traverse cette longue pièce sous laquelle il est rivé : l'autre bout s'emboîte dans une petite rainure faite au blanc de l'autre pièce #du moule. Ce cran sert à marquer sur le corps le sens de la lettre. Le heurtoir est une petite pièce mobile de fer, qui s'ajuste à queue d'aronde dans une entaille qui est à la platine de la pièce de dessous. Il est posé sur une petite bande de fer nommée porte-heurtoir, qui est retenue par deux goupilles rivées aux deux côtés de l'entaille. Ce heurtoir est le point d'appui de la matrice ; par ce moyen, on la fait monter ou descendre au degré de précision où l'on veut qu'elle soit pour mettre le caractère en ligne, ce qui se fait en donnant au heurtoir plus ou moins d'épaisseur. Lorsqu'il est un peu affaibli dans le milieu par le frottement continuel du pied de la matrice, qui y fait peu à peu un petit creux, on le redresse en limant sa surface, et on ajoute par dessous une ou plusieurs lame de clinquant, qui sont retenues sur le porte-heurtoir, et qui rendent au dit heurtoir l'épaisseur que le redressement lui a ôtée. L'archet et un fil de fer d'environ une ligne et demie de diamètre sur huit à dix pouces de circonférence. On l'appelle archet parce qu'il forme une espèce d'arc oblong, dont un bout est attaché au bois de la pièce de #dessous ; l'autre bout, qui est mobile et qui fait le ressort, est posé sur le talon de la matrice à chaque lettre que l'on fond, pour l'appuyer et la joindre à la partie du moule sur laquelle elle porte.

La pièce de dessus a deux petites pièces qui lui sont propres, le jobet et le gimblet. Le premier est un petit fil de fer plié en équerre d'un bout, et de l'autre tourné en rond pour entrer dans la vis du bois de la pièce de dessus. Il est retenu entre ce bois et la longue pièce, et sert à contenir la matrice, lorsqu'on ouvre le moule. L'autre est un bout d'aiguille ou de fil de fer fiché dans l'entaille du bois de la pièce de dessus. On fait passer entre ce gimblet et le bois un morceau de peau, nommé attache, qui est lié d'un bout avec du fil à la matrice, et collé de l'autre avec de la salive sur le bois.

Le moule a encore, tant à la pièce de dessus qu'à celle de dessous, les crochets dont un bout est enfoncé dans le bois, et l'autre sert à détacher la lettre du moule ; enfin les vis de bois, fixées chacune par un bout aux platines, traversent le bois et les retiennent par #deux écrous. Tous les moules portent chacun une marque particulière, qui sert à les distinguer entre eux et à les faire reconnaître. Ces marques sont des lettres ou des chiffres, de sorte qu'on distingue un moule par la lettre A, B, C, etc. ou par le chiffre 1, 2, 3, etc. dont il est marqué, sans quoi on ne se souviendrait plus de celui qui a fait tel ouvrage en tel temps.

Ce que je viens de dire regarde le moule qui est en usage en France pour la fonte des caractères. Celui dont on se sert en Hollande, en Flandre et ailleurs, diffère en plusieurs parties ; presque toutes les pièces sont de cuivre fondu. Ce moule est moins compliqué que le notre, mais aussi est-il bien moins sûr et bien moins solide. On en verra la figure ci-après parmi les planches gravées.



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