Manuel typographique de Fournier, tome I, 1764
chap. XXV, p. 176-180.

Chapitre
XXIV 
Chapitre
 XXVI
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176
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XXV — Des interlignes de fonte


#Des interlignes de fonte

Les interlignes de fonte sont des lames de métal justes et égales d'épaisseur, que l'on emploie dans l'imprimerie pour élaguer les lignes d'un caractère qui est sur son corps naturel.

Ces interlignes sont de deux sortes; les unes dites brisées, parce qu'elles sont composées de plusieurs morceaux ; les autres dites de longueur,parce qu'elles sont d'une seule pièce.


Interlignes brisées

Ces sortes d'interlignes sont fondues sur des moules ordinaires de différents corps, comme on fond des espaces. L'inconvénient de ces interlignes est qu'elles sont rarement justes, à cause de la difficulté qu'il y a de les mettre entre elles d'une même épaisseur : un moule se trouve un peu #en tête, l'autre en pied. Les interlignes les plus étroits, quoique mis de même épaisseur, s'affaiblissent plus sur la pierre à frotter que les plus grands ; et les premiers fondus, lorsque le moule est froid, sont plus faibles que les autres : ajoutons encore que ces petites pièces sont sujettes à s'écorner ou à refouler par les coins, en tombant ou autrement. Tout celà produit de mauvais effets : l'expérience a démontré que le caractère ne se trouve point parfaitement en ligne, parce qu'il suit la direction de ces interlignes brisées, suivant le plus ou le moins de justesse qu'ils ont.

Voici néanmoins la manière de fondre ces sortes d'interlignes.

L'épaisseur étant décidée, on dresse une lame de fer ou de laiton de cette épaisseur, et on la divise dans sa longueur suivant les différents moules sur lesquels on veut fondre les interlignes ; on fait au haut et au bas de chaque lame une entaille d'environ deux lignes de profondeur, de façon que la partie excédante entre juste dans le moule, et soit égale à la hauteur du blanc. On pose cette lame entre les deux blancs du côté des registres, et tenant le #tout serré avec la main, on verse du métal fondu entre les registres, après en avoir couvert le haut avec du bois ou du carton. Le métal embrasse cette lame par tout ce qui excède l'extérieur du moule, et est retenu par les parois des registres, par le heurtoir qui a été couvert d'une carte, et par le morceau de carton du haut. Ainsi se forme la matrice de l'interligne ; la petite éminence qui entre dans le moule en est la largeur et l'épaisseur : par là cette matrice a deux points d'appui ; l'éminence qui est au moule y est retenue entre les deux blancs, et le métal qui fait le gros de cette matrice est serré entre les deux registres.

Cela fait, on fond un interligne sur chacun des moules ; et après l'avoir frotté, on le met sur la glace entre deux modèles : là, avec le jeton que l'on pose sur les trois parties, on voit si celle du milieu est non seulement de même épaisseur, mais encore si elle et égale de pied en tête et d'un bout du corps à l'autre. Pour mieux s'en assurer, on en fait une pile de huit ou dix, que l'on met entre deux autres piles de modèles de même nombre: si le jeton porte partout également sur #ces trois piles, l'interligne est réputé juste ; quand il est trop fort ou trop faible, alors on diminue ou l'on refoule la matrice, et on touche au moule pour les parties qui auraient des inégalités de pied en tête et du haut en bas du corps. On remédie encore à ces inégalités, lorsqu'elles sont petites, en frottant plus ou moins ces interlignes, soit dans la totalité, soit de pied en tête ; pour cela, il faut opérer sur les différentes largeurs à raison de leurs défauts : c'est cet accord général qui réussit rarement.

On peut faire encore ces interlignes avec une matrice unie, qui n'entre point dans le moule : pour lors on ne met l'épaisseur que par le moyen des registres ; par là, l'interligne vient de toute la longueur des blancs du moule. Il faut enlever au rabot cet excédent de longueur, ce qui fait une opération difficile.


Interlignes de longueur

C'est pour remédier aux inconvénients des interlignes brisées et surtout de ceux qui sont en bois, que l'on nomme Réglettes, dont on s'est servi longtemps dans l'imprimerie, que j'ai inventé un moule propre à fondre d'un seul jet, #dans la longueur et l'épaisseur convenable, des interlignes d'une seule pièce. On en verra le mécanisme ci-après, à l'article du moule à interlignes.



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