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Avertissement préliminaire |
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Après les
choses qui sont de première nécessité pour la vie, rien n'est plus
précieux que les livres. L'art TYPOGRAPHIQUE qui les
produit rend des services importants et procure des secours infinis à
la société. Il sert à instruire le citoyen, à étendre le progrès des
sciences et des arts, à nourrir et cultiver l'esprit, et à élever
l'âme : son devoir est d'être le commissionnaire et l'interprète
général de la sagesse et de la vérité ; en un mot, c'est le
peintre de l'esprit. On pourrait donc#
l'appeler par excellence l'art des arts et la science des
sciences. |
* Il y
a dans la bibliothèque des Célestins de Paris, un bel exemplaire des
Canons de Gratien manuscrit. Celui qui l'a écrit marque qu'il a été
vingt et un mois à le faire. Sur ce pied, il faudrait mille sept cent
cinquante ans à trois hommes pour faire trois mille exemplaires, qui,
au moyen de l'imprimerie, peuvent être achevés par le même nombre
d'hommes en moins d'un an. |
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Avant
l'origine de l'imprimerie, les hommes n'avançaient qu'à pas lents dans
la carrière des sciences. Ils étaient obligés de les chercher avec
des soins assidus, des veilles réitérées, et de les aller puiser,
pour ainsi dire, jusque dans le sein de la nature même. À la vérité,
plus les recherches étaient grandes, plus les lumières étaient
étendues, mais aussi plus il était difficile de les transmettre à la
postérité. Après une longue vie employée toute entière à l'étude et à
en tracer les fruits sur le papier, un savant laissait des monuments
qu'on ne pouvait répéter que par un travail long*, pénible et sujet à#
des inconvénients fâcheux. Le temps était trop précieux aux gens de
lettres pour qu'ils l'employassent à transcrire leurs
ouvrages : ce soin regardait des scribes, trop souvent mal
instruits, qui défiguraient les originaux à mesure qu'ils les
copiaient, et le mal allait toujours en augmentant, de nouveaux
copistes ne manquant jamais d'ajouter des fautes à celles que les
premiers avaient faites. |
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L'imprimerie, regardée à juste titre comme un présent du ciel,
pouvait seule y remédier. Elle a été donnée aux hommes pour diminuer
leurs peines, soulager leur mémoire et leur procurer#
la facilité de se communiquer réciproquement leurs lumières, sans
trop de soins ni de dépenses ; et au lieu qu'autrefois dix
volumes étaient pour eux une bibliothèque précieuse, à présent ils en
possèdent des milliers, les livres les environnent de tous côtés, et
ils n'ont qu'à y tendre la main pour y puiser la science qui fait
leur objet. Il y a cependant cette différence entre les savants qui
ont précédé l'origine de l'imprimerie et ceux d'aujourd'hui :
les premiers, dont les bibliothèques étaient nécessairement peu
nombreuses, savaient le contenu des ouvrages qui les
composaient ; ceux-ci, au contraire, ne connaissent même pas
toujours tous les livres qui servent à former les leurs, tant les
secours de l'imprimerie ont procuré d'abondance. |
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#La
théorie d'un art si utile ne devrait être ignorée d'aucun de ceux à
qui l'usage des livres est familier : il serait à souhaiter que
tout homme de lettres fût en état de juger sainement de la mécanique
de ses productions ; par là les articles qui s'en occupent, se
trouveraient obligés de le respecter assez pour ne le point avilir
par des fruits trop communs de leur ignorance et de leur mauvais
goût. |
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Pour donner aux savants une idée de l'art
typographique, et pour rappeler en même temps aux artistes des
principes qu'ils doivent savoir et leur en apprendre d'autres qu'ils
pourraient ignorer, je vais décrire toutes les partie de cet art
avec le plus de précision qu'il me sera possible, en évitant certains
petits détails qui ne serviraient#
qu'à rendre la narration plus longue, sans la rendre plus utile.
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L'art de la
gravure des caractères n'a jamais été décrit. Nos maîtres dans cette partie ont
toujours été si rares, qu'il s'est écoulé des temps fort
considérables sans qu'il en est paru un seul en France, et pas un n'a
traité par écrit des opérations de son art : c'est ce qui m'a
obligé, lorsque j'ai voulu l'exercer, de me former des principes et
d'établir des règles dont je rendrai compte dans la suite de cet
ouvrage. |
*M. Cl. Thiboust, fondeur et imprimeur,
mort à Paris en 1737, a fait en 120 vers latins une description
poétique de ces deux arts, qu'il a dédiée au roi, et qui a été
traduite en français par son fils en 1754. Ce petit ouvrage est
plutôt une déclamation poétique qu'un instruction. |
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La fonte des
caractères n'a été connue jusqu'à présent par aucune autre
description que par le détail abrégé que j'en ai donné dans
l'Encyclopédie, et par une
notice insuffisante et imparfaite qui se trouve dans le
Dictionnaire du Commerce de Savary. Ces
sortes#
de recueils généraux sur l'histoire ou la pratique des arts, sont
plutôt destinés à satisfaire la curiosité de lecteurs qu'à fournir
des lumières aux artistes ; aussi ne sont-ils pas faits pour ces
derniers, qui y chercheraient en vain les détails et les préceptes
nécessaires à l'intelligence des parties, que la nécessité a fait
abréger ou omettre*. |
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Plusieurs
savants et artistes, comme Lucas Pacioli, Albert Dürer,
J.-B. Palatino, Pierre le Bé maître écrivain, et beaucoup d'autres, ont donné
différents traités sur la forme et la figure des lettres, plutôt
pour la perfection#
de l'art d'écrire que pour celle de l'art typographique. |
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Geoffroy
Tory, libraire à Paris, étendit cette matière dans un livre intitulé
Le Champ fleuri, qu'il publia en 1526. Il fait descendre les
lettres de l'alphabet latin du nom de la déesse Io, prétendant que
toutes ces lettres sont formées de l'I et de l'O ; ensuite il
fait entrer les lettres en proportion avec le corps et avec le
visage humain ; il en dresse des plans pour
l'architecture ; il y fait rencontrer le flageolet de
Virgile ; il y adapte le nom des Muses, des arts libéraux, etc.
il fait des moralités dessus ; enfin il donne ce qu'il appelle
la due et vraie proportion des Lettres. Pour cela, il partage
un carré en dix lignes perpendiculaires et transversales, qui forment
cent carrés surchargés#
de beaucoup de ronds faits au compas, le tout servant à donner la
forme et la figure des lettres. Il ajoute qu'il est sûr d'avoir des
gloseurs et des mordants ; mais, dit-il, je ne
les estime la valeur d'un poil. |
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En 1692,
l'Académie des Sciences entreprit la description des arts, dont la
typographie devait être le premier, comme étant celui qui conserve
tous les autres. La description de cet art fut en effet commencé
dès 1693. Malheureusement il n'y
avait pas pour lors en France un seul typographe capable de donner
des principes certains sur l'art de graver les caractères ; il
ne se trouva qu'un nommé Malherbe des Portes, graveur pour la
monnaie, qui fut de quelque secours : il était assez adroit
mais il ignorait la typographie. |
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Mr. Jaugeon, de l'Académie des Sciences, fut chargé par sa
compagnie de faire la description de cet art ; on lui donna
pour adjoints Filleau des Billettes et le Père Sébastien
Truchet, Carme et mécanicien. Ils trouvèrent sans doute dans les
fondeurs et imprimeurs du temps, des secours pour l'explication de
leur art ; mais pour le premier et le plus intéressant, qui est
celui de la gravure ou taille des poinçons et la justification des
matrices, ils en eurent si peu qu'ils furent obligés de chercher
dans leur imagination des principes que la connaissance de l'art leur
refusait ; et au lieu d'en rendre la pratique aisée par la
simplicité des préceptes, ils ont au contraire surchargé l'art de
calculs géométriques inutiles et impraticables. La preuve#
en est sensible par quelques-unes des planches gravées dès la fin du
dernier siècle, que j'ai examinée avec tout le soin dont est capable
un homme qui veut s'instruire. J'ai vu lesdites planches chez les
libraires qui avaient ordre de les laisser voir au public, il y a
quelques années, lorsque l'Académie a repris ce projet de la
description des arts. |
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On vient de
voir que Geoffroy Tory divisait un carré, lequel accompagné de ronds
servait à former les lettres : Jaugeon et ses adjoints
ont bien autrement multiplié les êtres. Ils divisent ce carré en 64 parties,
subdivisées chacune en 36 autres ; ce qui forme une
somme de 2 304 petits carrés pour les capitales romaines. Les lettres
italiques sont figurées par un#
autre carré, oblong et penché, ou parallélogramme, qui souffre
encore de plus grandes subdivisions. Que l'on joigne à cela beaucoup
de traits ronds faits au compas, par exemple, 8 pour l'a, 11 pour le
g, autant pour l'm, etc. on sentira combien cette multiplicité de
traits sont inutiles pour former des lettres sur un poinçon d'acier
dont l'oeil, pour les caractères le plus en usage dans l'imprimerie,
n'est que d'une demi-ligne géométrique de grandeur :
l'intérieur des lettres formées par un contrepoinçon est encore plus
petit. Pour la seule taille des calibres que je divise en sept
parties assez difficiles à prendre pour les petits caractères, on en
donne des règles dans une des planches qui sont imprimées , où l'on
voit que pour le calibre on divise#
la ligne en deux cents quatre parties. Ces règles renvoient à
l'idée des infiniment petits, où l'imagination seule peut
atteindre ; ce qui fait que pour les rendre sensibles par des
exemples, on a été obligés de dessiner les lettres trois ou quatre
cent fois plus grandes que le même objet ne doit être représenté sur
le poinçon pour les caractères le plus en usage. |
*Mémoire de l'Acad., année 1699,
p. 118.
M. Grandjean, un des premiers artistes employé
quelques temps après l'établissement de ces règles pour graver les
caractères de l'Imprimerie royale, s'est arrêté à la première, qui
est de consulter les yeux, juges souverains du goût. Son
travail ne se sent point de la contrainte des autres, à l'exception
seulement de quelques particularités qu'on a données à certaines
lettres pour distinguer les nouveaux caractères de cette célèbre
imprimerie. |
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Comment
a-t-on pu rétrécir l'esprit et éteindre le goût, en donnant ainsi des
entraves au génie par des règles si confuses et si hasardées ?
Faut-il donc tant de carrés pour former un O, qui est rond, et tant
de ronds pour former d'autres lettres qui sont carrées ? Et
n'aurait-il plus été permis à un artiste de varier la forme des
lettres tant en hauteur qu'en largeur sous différentes#
nuances, ainsi que je l'ai fait, comme on le verra dans le volume
des caractères ? Qu'est-il
arrivé de ces prétendues règles ? C'est que les modèles que l'on
en donne, surtout pour les italiques, sont si grossiers et si
imparfaits, qu'ils se sentent de la gêne où ces ronds et ces carrés
les tiennent comme enchaînés. Le génie ne connaît ni règle ni compas,
si ce n'est pour des parties géométriques. Cela prouve que des
personnes qui ne connaissent pas un art, quelque habiles qu'elles
soient d'ailleurs, comme l'étaient Messieurs Jaugeon, des Billettes
et le Père Sébastien, ne sont pas en état d'en donner des principes.
Ces messieurs auraient pu s'en tenir à une règle qu'ils établissent,
qui est de consulter principalement les yeux, juges
souverains #
mais les ayant trouvés un peu incertains dans leurs
décisions, ils ont proposé d'autres règles. Enfin, s'étant
déterminés sur une chose purement de goût, et par conséquent très
délicate, ils ont, disent-ils, trouvé une méthode géométrique,
par laquelle les ouvriers peuvent exécuter dans la dernière précision
les figures des lettres telles qu'ils les ont réglées*. |
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Cet esprit
de multiplication avait tellement gagné, qu'il s'était étendu jusque
sur divers instruments aussi inutiles que confusément composés, et#
qui n'ont été inventés que faute de connaître la manière simple et
commode avec laquelle nos anciens maîtres faisaient certaines
opérations de leur art. Quelques-uns de ces instruments, que j'ai vu
représentés sur les planches , sont entre autres une machine composée
de huit ou dix pièces principales, destinée à retenir des lettres
pour les fumer sur une chandelle et les imprimer, afin de voir si
les matrices étaient bien justifiées, ce qu'on a toujours vérifié par
de simples instruments connus sous les noms de justification
et de jeton ; une autre composée de vingt-cinq ou trente
pièces, destinée à frapper les matrices : trois doigts de la
main gauche font l'effet de cette machine, d'une manière simple et
commode. Une troisième encore plus compliquée#
et aussi inutile, était destinée à la justification des matrices. On
a toujours eu des manières si simples de procéder dans ces
opérations, que l'ignorance seule en a pu faire imaginer de plus
difficiles ; aussi n'ont-elles été d'aucun usage par la suite,
et sont-elles restées dans l'oubli. |
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Il est à
présumer que les Académiciens éclairés qui ont entrepris de donner la
description des arts, dont plusieurs déjà publiés sont décrits d'une
manière à leur faire honneur, ne négligeront rien pour rendre celui
de la typographie digne de la réputation qu'ils se sont si justement
acquise. |
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Pierre Cot,
fondeur de caractères d'imprimerie, voyant le ralentissement de
l'Académie pour publier la description des arts, entreprit en#
1710 de donner un traité complet de l'art typographique avec
l'histoire générale des alphabets de toutes les nations ; mais
sa mort, arrivée en 1712, arrêta cet ouvrage, dont il n'y avait que
sept feuilles in-4od'imprimées. |
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L'imprimerie
a été traitée en détail par Dominique Fertel, imprimeur à
Saint-Omer : je m'aiderai
de son secours et je profiterai de ses lumières dans quelques
articles de cette partie. |
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La
typographie, comme on vient de le voir, est divisée en trois parties
distinctes et essentielles, à savoir, la gravure, la fonte et
l'impression. |
* Le
typographie, qui à la connaissance de l'imprimerie joint la pratique
de la gravure et de la fonte des caractères, exerce un art libre et
indépendant. Il peut travailler sans empêchement dans toutes les
villes du royaume, même à Paris où, par la simple formalité de se
faire enregistrer sur le livre de la Communauté des imprimeurs, on
devient membre de leur corps, jouissant en conséquence de tous les
droits, franchises et immunités y attachés. La partie de l'art
typographique que l'on appelle l'imprimerie est seule sujette
à maîtrise, qui ne s'acquière que par Arrêt du Conseil, sans doute à
cause des abus qui peuvent résulter de l'impression c'est
pourquoi le nombre des imprimeurs est fixé dans toutes les villes du
royaume.
Dans la plupart des autres pays, toutes les parties de
la typographie sont également libres. |
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La pratique
particulière de chacune de ces parties forme des artistes de
différents genres. Celui qui grave ou taille des caractères est un
GRAVEUR ;#
celui qui les fond est un FONDEUR, et celui qui les
imprime est un IMPRIMEUR ; mais il n'y a que
celui qui réunit la science de ces trois parties que l'on puisse
appeler un TYPOGRAPHE*.
Il y a eu
peu d'artistes du premier genre, un peu plus du second, beaucoup du
troisième, et très peu du quatrième, c'est-à-dire, qui aient mérité
le nom de typographe. L'imprimerie#
n'en compte que trois ou quatre au plus par siècle, qui aient été
reconnus pour avoir réunis ces talents avec succès : la raison
en est que la science typographique étant fort étendue, elle demande
dans celui qui veut l'exercer avec honneur, du génie pour
l'invention et des talents pour la mécanique, comme nous allons le
voir par le détail de cet art.
Je
partagerai cet ouvrage en quatre volumes portatifs. Le premier contiendra la
description des deux premières parties de l'art typographique, à
savoir, la gravure et la fonte des caractères ; le second [rédaction conforme à l'Errata]
rassemblera les modèles des différents caractères,#
tant de ceux qui sont d'un usage ordinaire dans l'imprimerie, que de
ceux qui ne sont que de curiosité, le troisième,
celle de l'impression ; et le quatrième sera un traité sur les
typographes, tels que je viens de les distinguer.
Pour rendre
cet ouvrage clair et intelligible à tout le monde, j'ai fait graver
en taille douce la figure des instruments qui servent à la
typographie, auxquels j'ai ajouté une explication détaillée. Il sera
nécessaire d'y avoir recours pour la plus grande intelligence de
l'art de ces parties. |
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Je dois
ajouter ici un mot sur mes nouveaux caractères de musique. |
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Je publiai
le premier essai en 1756, avec la permission et sous la protection
des magistrats qui veillent au bon ordre de l'imprimerie. Cet essai
ayant été bien reçu des amateurs de musique cela m'encouragea, et je
travaillai de nouveau ces caractères pour leur#
donner toute la perfection dont je les croyais susceptibles, excité
par une pareille découverte de nouveaux caractères de musique faite
en Allemagne, mais d'un autre mécanisme que les miens. De ces deux mécanismes j'en
formai un troisième, dont le caractère que j'ai fais paraître en 1760
a été le fruit. |
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L'Académie
des Sciences, à qui j'ai présenté ces diverses opérations, m'en a
fait délivrer le certificat ci-joint.
EXTRAITS DES REGISTRES
de l'Académie Royale des Sciences.
Du 18 août 1762
Messieurs de Montigny, de Vaucanson, et moi, qui avions été nommés
pour examiner de nouveaux caractères pour l'impression de la
musique, inventés et exécutés par Fournier le jeune,
en ayant fait notre rapport, l'Académie#
a jugé que cet établissement ne pouvait être que très avantageux, et
qu'il y avait tout lieu de croire qu'il serait très agréable au
public ; qu'il épargnerait beaucoup de temps, des frais
considérables de gravure, et diminuerait par conséquent beaucoup le
prix de la musique ; que pour toutes ces raisons il méritait des
encouragements aussi bien que l'approbation, et même le voeu de
l'Académie pour la prompte exécution. En foi de quoi j'ai signé le
présent certificat.
À Paris, le 26 août 1762.
Signé, GRANDJEAN DE
FOUCHY,
Secrétaire perpétuel de l'Académie Royale des Sciences.
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Monsieur
Rameau, célèbre Musicien, dont le témoignage est d'un grand poids sur
ce point, a aussi donné son suffrage à mes nouvelles productions,
par un certificat daté du 14 août 1762. |
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On aurait
lieu d'être surpris de ce qu'une pareille découverte, honorable pour
l'imprimerie et avantageuse pour#
les imprimeurs, est restée sans exécution depuis 1756, si l'on en
ignorait la cause, qu'il est bon de rapporter. |
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Il y a en
France un seul imprimeur à qui
on a accordé, de père en fils, depuis plus de cent vingt ans, un
privilège exclusif pour l'impression de la musique, avec défense à
tous graveurs, fondeurs et imprimeurs, de graver, fondre ni imprimer
des caractères de Musique, sous peine de deux mille écus d'amende,
etc. De là ce privilège est devenu, contre l'intention des
supérieurs, le tombeau sous lequel cette partie de l'art
typographique a été ensevelie. |
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Elle a été
perdue, non seulement pour tous les imprimeurs de France, mais aussi
pour les privilégiés mêmes, parce que le public, ennuyé de voir#
toujours des caractères imparfaits, a tiré des planches en
taille-douce les services que l'imprimerie lui refusait ; et les
typographes n'ayant plus le droit de s'exercer dans cette partie de
leur art, il ne s'en est pas trouvé d'assez généreux pour
entreprendre un travail qui leur serait devenu inutile, et même
dangereux. |
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Ce n'est
donc qu'après y avoir longtemps pensé et avoir obtenu des magistrats
la permission d'agir, que je me suis déterminé à exécuter les
nouveaux caractères de musique que j'avais imaginés depuis longtemps,
et je les publiais sous leur autorité en 1756 : je les ai
perfectionnés depuis, après quoi j'en ai demandé l'usage pour moi,
et la permission de les rendre communs aux imprimeurs pour les
faire#
rentrer dans leurs anciens droits d'imprimer la musique, d'autant
plus que ces caractères étant nouveaux, ils ne peuvent être du
domaine du privilégié, qui trouvera lui-même dans ceux-ci les
avantages que les siens lui refusent. |
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Les
magistrats qui sont à la tête de la Librairie, pour concourir au bien
général des arts, dont ils sont zélés protecteurs, ont bien voulu
m'obtenir, au mois de mai 1762, un Arrêt du Conseil, qui me donne un
titre d'Imprimeur surnuméraire pour la Ville de Paris, lequel est
fondé sur les services que j'ai rendus à l'imprimerie par
l'invention et l'exécution de différents objets relatifs cet art, qui
seront détaillés dans le présent ouvrage. Cet Arrêt du Conseil,
honorable#
pour moi par son énoncé et par le motif qui l'a fait accorder, a
souffert jusqu'à présent quelques empêchements ; mais en attendant son
entière exécution, les magistrats, fondés sur les motifs du dit
Arrêt, ont bien voulu me permettre d'en jouir en partie, en me
laissant imprimer le présent ouvrage. |
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C'est donc
pour me rendre digne de leur bienveillance et de la confiance dont
ils m'honorent, que je vais rendre publique la mécanique de mes
caractères de musique, pour enrichir notre imprimerie de cet objet de
commerce, dont elle est privée depuis si longtemps, et remplir
l'idée que j'ai toujours eue de lui être utile. |
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J'apporterai tous les
soins dont je suis capable, pour rendre cet ouvrage#
le plus utile qu'il sera possible ; mais comme je n'ose espérer
malgré cela d'atteindre le point de perfection auquel je désire de
porter l'art typographique, je profiterai avec plaisir des critiques
honnêtes et éclairées dont on voudra bien m'honorer. |
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